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10déc

Responsabilité décennale de l'architecte C.Cass. civ. 3, 21 nov. 2019

Responsabilité décennale de l'architecte C.Cass. civ. 3, 21 nov. 2019

RESPONSABILITÉ DÉCENNALE DE L'ARCHITECTE : la réalisation d'une mission d'établissement et de dépôt du permis de construire rend l'architecte « auteur du projet architectural » et dépositaire d'une garantie décennale élargie.

Arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 21 novembre 201, n° pourvoi 16/23509


L'établissement et le dépôt du permis de construire sont classiquement une mission de conception réduite confiée à l'architecte par le maître d'ouvrage. Le concepteur n'était alors pas responsable de l'exécution. Cette dichotomie semble être remise en cause par la Cour de cassation.

En l'espèce, il s'agissait d'une SCI souhaitant construire un garage sur un terrain qu'elle avait préalablement acquis. Elle s'était entourée de professionnels, à savoir un architecte chargé de l'établissement et du dépôt du permis de construire, un maître d'œuvre d'exécution, un bureau d'études chargé de réaliser une étude des fondations et des entreprises chargées de réaliser les longrines et le dallage.

Le maître d'ouvrage avait préalablement réalisé un remblai avec un matériau acheté chez un fournisseur. Ce remblai était constitué de matériaux gonflants impropres à l'usage auquel ils étaient destinés. Le sol du garage s'est finalement soulevé et a fissuré.

Quelle responsabilité pour l'architecte ?

La Cour d'appel a décidé de retenir la responsabilité solidaire du maître d'œuvre, du bureau d'études fondations et de l'architecte, sur le fondement décennal. Pour rappel, l'engagement de la responsabilité décennale d'un constructeur nécessite notamment de démontrer que son activité était en lien avec le désordre portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.

L'architecte a contesté sa responsabilité en affirmant que :

- Sa responsabilité ne peut être engagée que dans la limite de la mission qui lui est confiée,
- La pose du remblai à l'origine des désordres aurait été réalisée postérieurement au dépôt du permis de construire.

La Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d'appel de METZ et a rejeté les arguments de l'architecte. L'architecte qui se voit confier une mission d'établissement et de dépôt du permis de construire est l'« auteur du projet architectural » : il lui appartient de proposer un projet réalisable tenant compte des contraintes du sol.

Qu'en tirer comme conclusion ?

1. L'établissement de la demande de permis de construire emporte une obligation générale de conception,
2. L'intervention d'un bureau d'études spécialisé dans les fondations n'est pas une cause d'exonération ni de l'architecte ni du maître d'œuvre concernant le désordre lié à la nature du sol,
3. La conception et l'exécution d'un ouvrage sont intrinsèquement liées. La pertinence de traiter ces deux aspects de la maîtrise d'œuvre distinctement est en question…

Au fil des décisions de justice, l'objectivité de la division d'une prestation de maîtrise d'œuvre en éléments de mission, pouvant être traitée indépendamment les uns des autres, est remise en question.

Par ailleurs, l'architecte voit son obligation de moyen tendre vers une obligation de résultat lui imposant de prendre toutes les précautions utiles et d'anticiper tous risques de désordre.

Seule limite, les remblais de mauvaise qualité avaient été mis en œuvre avant son intervention. A contrario, il semble donc que l'architecte chargé de la conception d'un ouvrage ne pourra pas être tenu responsable, sur le fondement décennal, de mauvais remblais réalisés après que sa mission soit terminée.

N'étant jamais trop prudent, on lui conseille de veiller à formaliser une réserve à la faisabilité du projet concernant la viabilité des sols destinés à accueillir l'ouvrage qu'il a conçu.

Me Anne-Hélène BOCHEREAU

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